Adapter les Scénarios Médiévaux-fantastiques à SimulacreS

(ou a un de vos autres jeux favoris)

 

(Source : Petit Capharnaüm n° 20, texte : Pierre ROSENTHAL, illustration : Thierry DEGUR et Rolland BARTHELEMY)

 

 

Bien que de nombreux joueurs et meneurs de jeu aiment vivre des aventures médiévales-fantastiques, tout le monde n’utilise pas le même univers de jeu, ni les même règles. Alors, quand vous trouvez dans Casus Belli un scénario pour un autre jeu que le vôtre, plutôt que de le mettre à la poubelle, pourquoi ne pas essayer de le « recycler » ? Vous verrez, avec un peu de méthode, on y arrive assez bien.

 


Une lecture attentive

Avant toute chose, prévoyez du temps pour faire une adaptation. Bien sûr, il ne vous faudra pas des mois, mais à la préparation normale d’un scénario, ajoutez à peu près la moitié de ce temps pour modifier l’histoire. Nous partirons aussi de l’hypothèse que vous ne connaissez pas très bien l’univers de jeu que vous désirez adapter. Par exemple, si vous maîtrisez parfaitement AD&D, son univers et ses règles, autant jouer avec ce jeu. Mais si vous désirez adapter un scénario AD&D à SimulacreS, c’est que, à priori, vous ne connaissez pas ce vénérable ancêtre des jeux de rôle.

Lisez donc une première fois le scénario, en vous concentrant sur l’intrigue, sans trop vous occuper des monstres, des classes de personnage, de la magie, etc. si à ce stade il y a des choses que vous ne comprenez pas, il est fort probable que l’histoire fasse référence à une particularité propre à l’univers de jeu, et que vous ne pouvez pas comprendre seul. Par exemple, dans Bloodlust, les joueurs incarnent des armes et non pas des humains qui les portent. Dans la page d’adaptation pour Simulacres (voir dans ce numéro p.64), nous vous fournirons les points les plus importants de chaque jeu, afin d’aplanir ces difficultés. Vous pouvez aussi demander conseil à des amis qui connaissent ce jeu. Si visiblement tout le scénario ne tient qu’à cause d’éléments spécifiques à un jeu, arrêtez- vous là. A l’impossible nul n’est tenu, et un scénario n’est pas toujours adaptable (c’est le cas du scénario Wraith de ce numéro).

Montage et découpage

En dehors des grands ressorts de l’intrigue, il y a peut-être des éléments qui vous rendent perplexes. Par exemple une phrase comme : « seuls les personnages d’alignement Bon peuvent franchir la porte. » Typiquement, vous lisez un scénario pour AD&D, où chaque personnage choisit une « moralité » (Bon, Neutre ou Mauvais ; Loyal, Neutre ou Chaotique) qui est quasiment inscrite génétiquement en lui. On peut donc se servir de cette moralité pour déclancher des pièges, amener des évènements. Là aussi, notez tous les endroits qui font référence à des particularités. Une fois notés, vérifiez à chaque fois si vous êtes dans la partie principale de l’intrigue ou dans un à-coté.

En fait, vous allez devoir redécouper le scénario en petits tronçons, et voir si vous savez adapter chacun. Si le tronçon n’a pas d’importance et que vous ne comprenez pas, retirez-le, inventez-en un autre, ou prenez carrément un bout d’aventure d’un autre scénario. Si le tronçon est important, et que vous ne comprenez pas bien, vous êtes dans le cas le plus ennuyeux, celui où il vous faut réécrire en partie l’histoire. Par exemple, pour sauver une princesse les personnages doivent à un moment obtenir une fleur magique. Ce passage n’est pas important, mais l’étape est obligatoire. Si la péripétie pour obtenir la fleur fait référence à quelque chose qui n’existe pas dans votre jeu, il faut que vous inventiez un petit bout d’histoire, voir une épreuve spécifique pour l’obtention de cette fleur.

 Un exemple pas à pas

Tout cela vous semble sans doute nébuleux, aussi à partir d’ici nous allons prendre un exemple, que vous allez pouvoir suivre pas à pas puisqu’il s’agit de l’adaptation de notre scénario pour AD&D : Quand un vicomte rencontre un vicomte … (voir p. 53-63). Nous utiliserons le système SimulacreS (HS Casus Belli n°10) et principalement le hors-série SangDragon (SD) qui contient des règles détaillées et complètes pour un univers médiéval-fantastique (HS Casus Belli n°11)

Je commence donc par lire l’histoire. Quelques monstres me semblent incompréhensibles, mais je verrai ça plus tard. En ce qui concerne la trame générale, elle me convient, mais je ne sais pas vraiment gérer les grandes batailles, mes joueurs en ont assez d’affronter des nécromanciens. Je vais donc utiliser les trois épisodes centraux, qui constituent la quête des trois morceaux du miroir. Pour introduire les persos, je vais écrire un petit bout d’histoire dans laquelle un vieux magicien a trouvé un parchemin décrivant le miroir, et envoie des aventuriers dans une forêt mystérieuse à la quête du premier fragment. C’est simple et banal, mais le but est de les emmener assez vite dans la forêt.

Déterminer ce qui est important

Je lis donc attentivement le scénario.

Je surligne quatre types de sujets : les interactions avec les personnages du meneur de jeu, les combats possibles et les « monstres » qui y participent, l’usage de la magie, les points de règles particuliers. J’en profite aussi pour imaginer l’histoire, comme je le ferai pour un scénario prévu pour mon jeu, en prévoyant mes propres ajouts. Par exemple, non loin de la forêt, je vais créer une petite bourgade qui sert de dépôt temporaire aux détenus. On y trouvera un tatoueur officiel, qui transmet sa charge de façon héréditaire. Dans la forêt, j’imagine aussi quelques prisonniers vivent en solitaire ou en bande. Tant qu’à adapter un scénario, autant le mettre « à sa sauce ». pour SimulacreS, la gestion des personnages du meneur de jeu (PMJ) est très simplifiée puisqu’ils sont divisés en personnages Faibles, Moyens, Forts et Exceptionnels. Je me contente de décrire uniquement plus en détail les personnages importants : le tatoueur, l’ogresse et le hobbit, l’elfe Shamblo, etc.

Evaluer et adapter l’opposition

Quel que soit le jeu, les aventuriers rencontrent des ennemis, qu’ils combatent par les armes et/ou magiquement. Dans certains jeux épiques comme AD&D, c’est plutôt la taille des monstres et ses capacités de combat qui feront la différence. Il est plus facile d’occire 40 gobelins qu’un seul dragon. Dans d’autres jeux plus réalistes, comme RuneQuest ou SimulacreS, si vous êtes 2 contre 1, c’est le camp le moins nombreux qui va souffrir. Pour les affrontements, il ne faut donc surtout pas mettre le même nombre ni le même type d’opposants.

A vous d’estimer (au jugé) si le conflit doit être dangereux ou une simple mise en garde. Pour évaluer les « ennemis », une seule règle possible ; votre expérience de MJ, et la prise en compte des capacités de vos aventuriers. Dans mon groupe de joueurs, j’ai trois guerriers qui ont des tests de combat de 13 ou 14, ce sont de redoutables combattants. Je vais leur opposer des monstres plus forts que si j’avais un groupe de « voleurs » avec des tests de combat de 9 ou 10.

Arrive justement le moment de créer ces « monstres ». je consulte le bestiaire de SangDragon, comparant les forces respective des monstres standard, et je crée ainsi les centorcs, tyranotrolls et taupeux (pour les autres nous verrons plus loin). J’ai aussi besoin d’ogres, mais je prendrai simplement la moyenne des caractéristiques entre l’humain standard rt le géant. Le nom de tyranotroll m’inspire et je décide de le faire régénérer comme un troll. En cours de jeu, je fais rencontrer aux aventuriers en centorc, puis un tyranotroll isolés. Ayant vu comment ils s’en sortent, je les ferai  surprendre plus tard par 12 centorcs (qui, pour éviter les sons maléfiques de la forêt, se sont bouchés les oreilles), puis par seulement 3 tyranotrolls.

Centorc

Test de combat 10. Points de vie : 5. Points de souffle : 5. Armure : 0/0/1. Dégâts : [D]PV.

Tyranotroll

Test de combat : 11. Test de perception : 5. Points de vie : 9. Points de souffle : 9. Armure : 0/0/2. Dégâts : [E]PV et [B]PS. C’est un petit tyrannosaure (3m de haut) à peau jaunâtre. Il se régénère comme un troll, et craint le feu. Quand il charge, son test de combat passe à 14 au moment de l’impact, puis à 9 la passe d’armes suivante.

Taupeux (ou goule)

Test de combat : 8. Test de perception : 6. Points de vie : 4. Armure : 0/0/1. Dégâts : [C]PV + paralysie magique au toucher (résistance magique autorisée) de MR=1.

Ogre normal

Test de combat 10. test de perception : 6. Points de vie : 7. Points de souffle : 7. Armure : 0/0/0. Dégâts : [E]PV avec une arme ou [D]PS avec ses poings.

Modifier son propre jeu

Quand j’arrive au second épisode, dans la suite des arches aux morts-vivants, j’ai un problème : à chaque étape les personnages rencontrent un mort-vivant différent et de plus en plus fort. Ce type de créature n’existe pas dans SimulacreS, ou la force vient plutôt du nombre. Comme le lieu est magique, je décide de faire des exceptions, et je vais créer spécialement quelques morts-vivants, unique et à la force progressive. L’avantage, en cours de jeu, sera que je pourrai intervenir sur l’étape suivante, en diminuant ou augmentant très légèrement l’opposition (avec 1PV en plus ou en moins par exemple) en fonction du comportement et de l’état de mes aventuriers.

Soyez souple et réaliste

Les caractéristiques de chaque race ou monstre seront toujours des caractéristiques moyennes. S’il est rare que les membres d’une même race aient un nombre de points de vie ou de souffle différent, n’hésitez pas à attribuer à quelques individus des scores différents.

Ainsi, bien que l’orc de « base » ait un test de combat de 8, le commandant de l’expédition peut très bien avoir un test de 10, 11 ou même 12.

 

 

Voici donc les montres créés pour l’épisode de la tour :

Goule nécrophage géante

Test de combat : 8. Test de perception : 6. Points de vie : 10. Armure : 0/0/4. Dégâts : [C]PV + paralysie magique au toucher (résistance magique autorisée) de MR=2.

Fantôme (âme en peine)

Test de combat : 8. Test de perception : 8. Points de vie : 4 (il faut une arme enchanté pour le toucher). Dégâts : perte automatique de 1 en Corps. Si le personnage arrive à 0 en Corps il tombe dans le coma. Les points perdus se récupèrent au rythme de 1 par 8 heures.

Frizzen

C’est un démon standard (SD p.47) du 4ème Cercle.

Spectre

Test de combat : 12. Test de perception : 8. Points de vie : 8 (il faut une arme enchanté pour le toucher). Dégâts : perte de [C] en en Corps. Si le personnage arrive à 0 en Corps il devient un fantôme. Les points perdus se récupèrent au rythme de 1 par jour.

Tyanir

Test de combat : 8. Test de perception : 6. Points de vie : 12. Armure : 0/0/3. Dégâts : [C]PV + paralysie magique au toucher (résistance magique autorisée) de MR=1. si on frappe Tyranir avec une arme normale, tout va bien. Par contre, avec une arme enchantée, si on échoue à un test de résistance magique on subit [D]PS de choc électrique en retour.

Magie sens dessus dessous

En lisant le scénario AD&D, une évidence me saute aux yeux : dans SimulacreS la magie est moins suivante (quoique !), mais les magiciens l’utilisent de manière très différente. Là où ils dépensent des points de magie qui leur donnent des capacités un peu limités, AD&D permet aux magiciens puissants de lancer plus d’une dizaine de sorts divers. Mon premier réflexe est de donner aux magiciens du scénario des objets magiques lançant les sorts. Mais ce n’est pas la bonne solution, car mes aventuriers vont sûrement les récupérer et je ne veux pas d’un univers avec des milliers d’objets magiques. Je peux aussi n’utiliser que les règles standard de magie de SimulacreS. Auquel cas, les magiciens deviennent bien moins puissants, et les scènes qui font intervenir un mage redoutable seront moins spectaculaires. De plus, j’aimerai trouver une solution qui marche pour tous les scénarios AD&D que j’ai l’intention d’adapter plus tard. Je vous livre donc ici ma solution. Dans SangDragon, il existe la notion de Métamagie, c’est-à-dire la magie qui influe sur la magie. Je vais créer un sort de ce type appelé « Mémoriser un sort », qui reproduira quasiment la mémorisation dans AD&D. il me suffit ensuite de donner ce sort aux magiciens puissants, et le tour est joué.

Mémoriser un sort

Métamagie niveau 1

Formule : Esprit r+ Perception  q+ Néant n

Concentration : 16M. Temps d’effet : MR heures. Distance : personnel. Résistance : aucune. Magie noire : non. Echec : -.

Magie H. : oui. Apprentissage : 0. Lancer : -2. Niveau H. : 1.

 

Description : le magicien lance le sort sur lui-même. Il a ensuite la durée du temps d’effet pour lancer un sort. Di le lancer du second sort est réussi, il n’est pas vraiment lancé mais mis « en mémoire », e, attente d’être utilisé plus tard par le magicien. Si le lancer du second sort est un échec, ses conséquences s’appliquent tout de suite, et le sort de mémorisation est perdu ; il faut tout recommencer à zéro.

La durée de mise « en mémoire » du sort : Elle est de MR décades (ou MR est la marge de réussite du sort de mémorisation). Au-delà de cette date, il disparaît tout simplement de la mémoire. Quand on veut le lancer, il faut se concentrer sur le sort à lancer, réussir un test Esprit r+ Action s+ Humain v+2 et rester concentré pendant toute la durée de lancer du sort (qui est la même que celle originelle). Si ce test échoue, le sort n’est pas perdu, il faut recommencer le test à la passe d’arme suivante. Si la concentration est rompue une fois qu’elle a été effectivement commencée (par un choc violent, etc. : on peut autoriser un test de Esprit r+ Résistance f+ Humain v pour garder la concentration), le sort est effacé de la mémoire.

Limite de capacité : on ne peut stocker en mémoire qu’un nombre de sorts égal à son score en Esprit par niveau de sort, quelle que soit l’Energie magique concernée. Ainsi, un personnage avec 5 en esprit ne peut stocker que 5 sorts de niveau 1, 5 du niveau 2 et 5 du niveau 3.

Vider son esprit : On peut volontairement vider son esprit d’un sort en repayant le nombre de PM nécessaire au lancer du sort (attention aux sorts nécessitants des EP). Si on « profite » consciemment du fait de se déconcentrer pour qu’un sort soit effacé de la mémoire, on subit soit les conséquences de l’échec du sort, soit la perte des PM du lancer, suivant ce qui est le plus « dangereux » pour le personnage (d’abord PV, puis EP, puis PS).

Rappel : On ne peut « créer » les sorts de Métamagie qu’avec Art magique à +3, mais on peut les apprendre avant (Art magique à 0 ou plus) si un professeur ou un grimoire explique comment le faire.

Points de règles

Dans Quand un vicomte …, il y a pas mal de « jet de sauvegarde ». ce sont généralement des test de résistance à la magie avec une conséquence en cas d’échec. Dans un premier temps, je ne garde que les tests qui sont vraiment magiques (glyphes, etc.) en leur affectant une difficulté (de 1 à 4) et des conséquences pas trop grave : -1 au test de combat, perte de 1EP, etc.

Pour tous les autres tests, autant utiliser la diversité de SimulacreS et faire des tests de courage (Cœur e+ Désir d+ Humain v), de compréhension (esprit r+ Perception q+ Humain v), etc.

 

Enfin certains « monstres » sont tellement étranges et propre à un univers au’il faut entièrement les créer. AD&D a créé le beholder, traduit tyrannoiel en français. Là une seule solution, aller lire le bestiaire monstrueux et choisir comment « l’adapter ». Grosso modo, le behoder a des yeux qui lancent des sorts. Dans AD&D il en a dix petits. Avec Simulacres, qui utilise des dés normaux, je me limite à six. Dans AD&D, les yeux lancent sans arrêt leurs sorts. Pour SimulacreS, qui est un univers moins magique, je restreins cette capacité en donnant un capital de points de magie. Quand à la nature des sorts, je choisis dans SangDragon (voir les numéros de page indiqués SD p.YY).

Le beholder

Il s’agit d’une espèce de globe d’environ 80cm de diamètre, lévitant à 1,60m du sol et irradiant la magie. Le beholder a une bouche avec de grandes dents, un immense oiel central de six yeux au bout de pédoncules. Il existe plusieurs espèces de beholders. Test de combat : 8. Test de perception : 11. Points de vie : 7 (corps central) plus 1 par oeil. Points de souffle : 7. Armure : 2/0/0 (-2 pour viser l’œil central, -4 pour viser un petit œil). Points de magie : 12 (il récupère 1 par heure). Résistance magique : 11. Dégâts : [C]PV (dents).

 

 

Chaque œil a un pouvoir. L’œil central empêche et annule (temporairement) toute magie dans son champ de vision, jusqu’à 12 mètres de distance, sans possibilité de résistance. Les pouvoirs des autres yeux sont « projetés » à 12 mètres, comme des sorts standard, en dépensant 1PM par niveau de sort (MR de 1d6) : Suggestion (1PM. SDp.41), Sommeil (2PM.SDp.32), Pétrification (2PM.SDp.43), Emotion (Peur, 1PM.SDp.43), Paralyser (1PM.SDp.43). En dépensant 6PM, le sort de Peur peut être transformé en sort de mort (perte de [G]PV, résistance possible), cette capacité n’est valable que pour le beholder « standard ».

Ouf !

Il y aurait sans doute encore de nombreux conseil a donner pour adapter des scénarios, mais j’espère que cette première approche vous aura convaincu.

Le prêt-à-jouer c’est bien, mais ne vous contentez pas de vous demander ce que le jeu de rôle vous apporte, et imaginez ce que vous pouvez apporter au jeu de rôle.

Et pour quelques articles de plus …

· Comment adapter les scénarios de Casus Belli (SimulacreS p.96. hors-série n°10).

· Les animaux de monte (Casus Belli n°82p.76-77).

· Nuisances & Nature (Casus Belli n°86.p.84-85)

· Composants de sort, maîtrise d’arme t parade (Casus Belli n°90.p.44-45)

· Bestiaire fantastique (encyclopédie médiévale-fantastique Vol. I. p.7_11, hors-série n°14).